11/06/2012

Echographie d'un bébé raie manta



Les raies manta donnent directement naissance à des petits. Mais comment font-ils pour s’oxygéner à l’intérieur de l’utérus sans cordon ombilical ni placenta ? C’est simple, tout comme les poissons dans l’eau, les embryons aspirent activement le fluide intra-utérin oxygéné par la bouche, le font passer sur les branchies et l’expulsent par les spiracles. Une grande première chez un vertébré.

De nombreuses espèces de requins et de raies sont ovovivipares. Les embryons se développent initialement à l'intérieur d'œufs qui vont éclore dans l'utérus de la mère. Ils poursuivent alors leur croissance jusqu’à ce qu’ils soient expulsés vers le milieu extérieur. À l’inverse de la situation rencontrée chez les mammifères, les embryons libérés dans le milieu intra-utérin n’ont ni cordon ombilical, ni placenta. Mais alors, comment peuvent-ils respirer et donc s’oxygéner ? Une partie du mystère vient d’être dévoilée dans la revue Biology Letters par Taketeru Tomita du Hokkaido University Museum.

En novembre 2008, un pêcheur a malencontreusement capturé une raie manta dans ses filets au large de l’île japonaise d’Okinawa. Il a tout de suite fait appel à des chercheurs étudiant justement la reproduction de ceschondrichtyens à l'Okinawa Churaumi Aquarium. À tout hasard, ceux-ci ont pratiqué une échographie sur l’animal après l’avoir immobilisé à l'intérieur d'une cuve, un rien trop étroite, de 3,7 mètres de large. La surprise a été de taille, la Manta alfredi abritait en effet un embryon en parfait état de santé, mais qui ouvrait et fermait constamment sa bouche. Les enregistrements vidéo et des embryons de raies ont été analysés par Taketeru Tomita.

La durée de gestation des raies manta est de 13 mois. À terme, elles peuvent donner naissance à un ou deux petits qui sont de véritables manta miniatures. Ils nagent comme leurs parents et&nbsp;adoptent d'ailleurs leur mode de respiration,&nbsp;dès leur libération dans le milieu marin.&nbsp;©&nbsp;<em>Okinawa Churaumi Aquarium</em>
La durée de gestation des raies manta est de 13 mois. À terme, elles peuvent donner naissance à un ou deux petits qui sont de véritables manta miniatures. Ils nagent comme leurs parents et adoptent d'ailleurs leur mode de respiration, dès leur libération dans le milieu marin. © Okinawa Churaumi Aquarium

Les résultats sont tombés, les bébés raies aspireraient activement le liquide intra-utérin oxygéné par la bouche, le dirigeraient vers les branchies et l’expulseraient par les spiracles, un mode de respiration pratiqué par de nombreux poissons, mais pas par les raies manta adultes qui se contentent de nager la bouche ouverte. La découverte de cette respiration active intra-utérine serait une première mondiale au sein du groupe des vertébrés. Ce phénomène est en revanche régulièrement observé chez des requins se développant à l'intérieur d'œufs libérés dans le milieu extérieur. Le bébé raie est né 8 mois après la capture de sa mère. Il pesait alors 50 kg et présentait une envergure de 2 m.


Sources : 
article original Quentin Mauguit pour Futura-Sciences, publié le 10 juin 2012. 
- Site de l'aquarium Okinawa Churaumi Aquarium

05/06/2012

L'espacement des lettres améliore la lecture chez les enfants dyslexiques


L'augmentation de l'espacement des lettres d'un mot et des mots d'un texte améliore la vitesse et la qualité de la lecture chez les enfants dyslexiques, et ce sans aucun entrainement préalable. Ils lisent en moyenne 20 % plus vite et font deux fois moins d'erreurs. C'est ce que vient de constater une équipe de recherche franco-italienne co-dirigée par Johannes Ziegler du Laboratoire de psychologie cognitive (CNRS/Aix-Marseille Université). Ces résultats sont publiés la semaine du 4 juin 2012 par la revue Proceedings of the National Academy of Science (PNAS). Parallèlement à ces résultats, une application iPad/iPhone a été élaborée par l'équipe et est disponible sous le nom de « DYS ». Elle permet aux parents et aux enfants de modifier l'espacement des lettres et de tester les bénéfices de cette manipulation sur la lecture. Les chercheurs pourront ainsi recueillir à grande échelle et en temps réel des données qu'ils pourront ensuite analyser et étudier.


La dyslexie est un trouble de l'apprentissage de la lecture lié à une difficulté à identifier les lettres, les syllabes ou les mots, qui se manifeste en l'absence de déficits intellectuels ou sensoriels  et généralement malgré une scolarisation adéquate. La dyslexie touche environ un enfant par classe et 5 % de la population en moyenne et entraîne souvent des difficultés dans l'écriture.
Dans cette étude, les chercheurs ont testé les effets de l'espacement des lettres sur la lecture chez 54 enfants dyslexiques italiens et 40 enfants dyslexiques français, âgés entre 8 et 14 ans. Les enfants devaient lire un texte composé de 24 phrases dans lesquelles l'espacement était soit normal, soit plus grand. Résultat : l'augmentation de l'espacement a permis aux enfants dyslexiques d'améliorer leur lecture en vitesse et en précision. Ils lisent en moyenne 20 % plus vite et font deux fois moins d'erreurs. Cette amélioration de la lecture pourrait être due au fait que les enfants dyslexiques sont particulièrement sensibles à « l'encombrement perceptif », c'est-à-dire au masquage visuel de chaque lettre par celles qui l'entourent. Les résultats de cette étude montrent que ce phénomène d'encombrement délétère peut être réduit par un simple écartement des lettres.
Ce constat ouvre une piste intéressante dans le domaine des méthodes de rééducation de la dyslexie. En effet, pour lire mieux, il faut lire plus, or un enfant dyslexique lit en une année ce qu'un « normo-lecteur » lit en 2 jours. Car pour un enfant dyslexique qui n'arrive pas à décoder convenablement et lit de façon lente et laborieuse, lire devient un « supplice » qui ne l'encourage pas à le faire régulièrement. Les chercheurs ont trouvé une astuce simple et efficace qui permet aux enfants dyslexiques de rompre ce cercle vicieux en lisant correctement plus de mots et en moins de temps.





Une application iPad/iPhone nommée « DYS » a été élaborée parallèlement à ces résultats de recherche par Stéphane Dufau, ingénieur de recherche au CNRS, au Laboratoire de psychologie cognitive. Disponible dans un premier temps en français et en anglais et téléchargeable gratuitement sur l'Apple Store, elle permet aux parents et aux enfants de manipuler l'espacement des lettres et de tester les bénéfices de cette manipulation sur la lecture. Les chercheurs pourront quant à eux recueillir à grande échelle des données qui leur permettront de quantifier puis d'analyser s'il existe un espacement optimal en fonction de l'âge de la personne et du niveau de lecture.


Article original : Communiqué de presse du CNRS, publié le 5 juin 2012
Pour télécharger l'application DYS c'est ici