28/05/2012

Techniques de chasse des chauves-souris


Les chauves-souris chassant dans le noir, comment font-elles pour trouver leurs proies, puis juger leur taille et leur comestibilité ? L’écholocation ne fait pas tout ! Les chiroptères suivent une stratégie complexe, mais surtout flexible pour éviter au maximum de tomber sur plus gros que soi ou sur un festin indigeste.
Les chauves-souris sont de redoutables prédateurs appréciant tout particulièrement les insectes ou, selon les espèces, des amphibiens. Comment font-elles pour trouver leurs proies au sol ou en plein air dans l’obscurité, puisqu’elles sortent principalement la nuit ? Elles ont certes recours à l’écholocation, mais ce système de détection dont le principe de fonctionnement est similaire à celui d’un sonar, a une portée limitée.
Comme tous les prédateurs, les chauves-souris doivent être capables d’interpréter différents indices ou signaux fournissant des informations sur leurs proies, notamment sur leur taille et leur comestibilité, les protégeant des aliments toxiques. Mais comment font ces mammifères dans l’obscurité ?
Rachel Page, du Smithsonian Tropical Research Institute (STRI), a voulu en savoir plus. Dans une salle expérimentale, elle s’est amusée à déclencher des comportements d’attaque à l'aveugle, puis à observer la réaction des chauves-souris face à des proies… parfois inattendues. Ces mammifères volants font preuve de grandes capacités d’adaptation, surtout en présence d’informations contradictoires, comme lorsqu’une proie, habituellement inoffensive, a été recouverte de poison. Car l’écholocation ne fait pas tout. Ces résultats sont présentés dans la revue Naturwissenschaften.
Les chauves-souris Trachops cirrhosus jugent le niveau de toxicité de leurs proies extrêmement rapidement. L'animal fond sur sa cible (a) et l'attrape (b), il repart ensuite en direction d'une barre où il pourra s'accrocher (c). Entre temps, il s'est rendu compte que la grenouille avait été recouverte de toxine et qu'elle était donc impropre à la consommation, d'où son rejet (d). Ces 4 étapes se sont en tout déroulées en moins d'une demi-seconde.Les chauves-souris Trachops cirrhosus jugent le niveau de toxicité de leurs proies extrêmement rapidement. L'animal fond sur sa cible (a) et l'attrape (b), il repart ensuite en direction d'une barre où il pourra s'accrocher (c). Entretemps, il s'est rendu compte que la grenouille avait été recouverte de toxine et qu'elle était donc impropre à la consommation, d'où son rejet (d). Ces 4 étapes se sont en tout déroulées en moins d'une demi-seconde. © Rachel Page et al. 2012,Naturwissenschaften
La chauve-souris, un protocole d’attaque et de capture bien défini
Les expériences ont été menées avec huit phyllostomes à lèvres frangées, ou chauves-souris mangeuses de grenouillesTrachops cirrhosus qui vivent en Amérique centrale. L’émission de sons d'amphibien Engystomops pustulosus, le met préféré des Trachops sp., au moyen de diffuseurs a toujours provoqué des réponses d’attaques filmées par des camérasinfrarouge. Le rôle majeur joué par l’audition est ainsi prouvé, mais ce fait n’est pas nouveau et avait déjà été décrit auparavant.
En piqué, les chauves-souris mettent à jour leurs informations sur la proie. Elles vont notamment juger leur taille et s’écarter de leurs cibles en cas d’incohérence, par exemple lorsque le son émis est celui d’une petite grenouille E. pustulosus mais que c’est un gros crapaud Rhinella marinatoxique qui se trouve en bout de course. L’écholocation serait utilisée dans cette phase, pour prendre des mesures à distance et dans le noir.
Une fois la taille des leurres estimées, comment les chauves-souris jugent-elles leur comestibilité ? Il n’y a pas de mystère, elles doivent goûter. Toutes les petites proies ont été attrapées, mais celles qui sont toxiques, ou normalement inoffensives mais recouvertes de poison (toxine de R. marina) par les expérimentateurs, ont directement été rejetées et abandonnées. Les chauves-souris font donc une analyse chimique postcapture de leurs proies en quelques centaines de millisecondes.
Ces expériences démontrent toute la complexité des stratégies mises en œuvre par les chauves-souris pour rechercher de la nourriture, l'évaluer et l’attraper. La flexibilité dont elles font preuve durant leurs attaques leur permet de diminuer au maximum les risques d’erreur. Celles-ci peuvent en effet être énergiquement coûteuses et surtout dangereuses. Elle procure également un avantage de taille lors des explorations entreprises en dehors des territoires connus.

Source :
Naturwissenschaften, Online First™, 17 mai 2012

Article original de Quentin Mauguit, pour Futura-Sciences, publié le 26 mai 2012


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