28/08/2011

Le cerveau politique


L'opinion politique dans le cerveau

Deux zones cérébrales différeraient chez les électeurs de gauche et de droite : l'amygdale cérébrale, impliquée dans la formation des émotions négatives, et le cortex cingulaire antérieur, qui intervient dans la détection des erreurs.
Par Sébastien Bohler pour le site Pour la science.fr

Pour en savoir plus

R. Kanai et al., in Current Biology, vol. 21, p. 677, 2011

L'auteur

Sébastien Bohler est journaliste àCerveau&Psycho
Selon une étude réalisée par des neurologues de l'Université de Londres, deux zones cérébrales différeraient chez les électeurs de gauche et ceux de droite. La première est l'amygdale cérébrale, une petite structure impliquée dans la formation des émotions, le plus souvent des émotions négatives (peur ou colère). Elle est plus volumineuse chez l'électorat conservateur, outre-Manche. La seconde est le cortex cingulaire antérieur, une zone située à l'interface des deux hémisphères cérébraux et qui intervient dans la détection des erreurs. Elle est plus volumineuse parmi l'électorat libéral, l'aile gauche britannique.
Que signifient ces découvertes ? La taille supérieure de l'amygdale chez les électeurs de droite suggère une propension plus élevée à ressentir de la peur et à réagir de façon agressive. C'est ce qui avait été préalablement mesuré par le neuropsychologue américain Jacob Vigil, lequel avait montré que la réaction de peur devant des visages menaçants est sensiblement plus marquée chez des conservateurs que chez des libéraux, et que les réactions agressives sont plus fréquentes chez les premiers en situation menaçante.
La taille du cortex cingulaire antérieur dans l'électorat de gauche s'interprète différemment. Le cortex cingulaire antérieur assure, entre autres fonctions, celle de détecter les changements et les erreurs de prédiction. Lorsque nous pensons rencontrer M. Durand et croisons M. Dupond, c'est le cortex cingulaire antérieur qui s'active et nous invite à adapter notre comportement en fonction de ce changement. Son augmentation chez les libéraux signalerait une tendance à s'adapter à la nouveauté. Ce qui surprend davantage dans cette étude, c'est que les différences de fonctionnement cérébral se traduisent par des différences structurelles, visibles en irm. Deux hypothèses sont possibles : soit les deux zones cérébrales concernées se développent différemment dès la naissance chez les électeurs des deux bords, en raison de facteurs génétiques, soit les choix politiques inhérents au parcours personnel de chacun finissent par forger les zones en question par le phénomène de plasticité cérébrale. Les deux mécanismes sont probablement à l'œuvre : environnement et constitution génétique interfèrent probablement pour produire le cerveau politique.
Dernier aspect surprenant : à l'aveugle, en prenant en compte uniquement les volumes de l'amygdale et du cortex cingulaire de leurs quelque 118 sujets, les neurologues ont su prédire presque trois fois sur quatre leur orientation politique. Ne serait-il pas intéressant de soumettre certains leaders politiques à une imagerie cérébrale, pour savoir vraiment de quel bord ils sont ?

13/04/2011

Transmission culturelle chez les mésanges


La transmission culturelle renvoie au processus qui sous-tend la transmission de l'ensemble des comportements et traditions d'une espèce. Cette transmission peut se faire entre les individus d'une même génération (transmission horizontale) ou entre les générations, généralement entre les parents et leur progéniture (transmission verticale). L'exemple le plus connu peut-être de transmission culturelle est celui des mésanges qui enlevaient les capsules des bouteilles de lait pour manger la crème. 



Le Royaume-Uni possède un système traditionnel de livraison à domicile de lait en bouteille de verre. Au début du 20ème siècle, les bouteilles n'avaient pas de couvercle et les oiseaux pouvaient facilement accéder à la crème formée à la surface. Cela a déjà eu un effet sur l'évolution de ces oiseaux: la crème étant plus riche que leur régime alimentaire habituel, leur système digestif a évolué pour assimiler ces nutriments. 

Ensuite, dans les années 1920, les laiteries ont équipé les bouteilles de capsules d'aluminium pour les fermer. Certaines mésanges ont alors réussit à enlever les capsules et à récupérer la crème. Ce comportement a été inventé indépendemment plusieurs fois, et s'est ensuite répandu dans toute l'Angleterre en une douzaine d'années seulement. La rapidité de propagation de ce comportement est trop élevée pour être expliquée par une séléction naturelle sur les gènes. Il a du se propager essentiellement par imitation. Cependant, l'apprentissage par observation n'est pas la seule explication possible. En effet, Sherry et Galef (1984) ont montré que des mésanges à tête noire s'étant nourries dans des bouteilles précédement ouvertes étaient ensuite plus à même d'enlever les opercules des bouteilles que des individus naïfs. D'autre part, ces chercheurs ont également montré (1990) que la simple présence d'un congénère à proximité d'une bouteille de lait facilite l'apparition du comportement d'ouverture par des individus naïfs. Cela n'exclue pas cependant un processus d'imitation sociale. 

Il s'agit d'une question en plein essor, les uns soutenant l'existence de véritable processus culturels chez les animaux, les autres voulant réduire tous les processus à des formes les plus primitives possible de culture. 


Sources:  
Fisher, J. & Hinde, R.A. (1949), The opening of milk bottles by birds, British Birds, n°42, p.347-357

11/04/2011

Des crocodiles dans une grotte


La Gabon est un des hauts lieux de la biodiversité mondiale, la forêt tropicale humide recouvre 85% du territoire et cache des grottes encore peu explorées. En août 2010, une expédition scientifique menée par l'archéologue Richard Oslisly et le spéléologue Olivier Testa s'est rendue dans la région littorale du Gabon, près de la lagune Fernan Vaz. Leur objectif était d'explorer les grottes pour les topographier et récolter des données sur les paléoenvironnements. Ils découvrent alors que ces grottes d'Abanda abritent des crocodiles (Osteolaemus tetraspis) dont certains ont une couleur orange très surprenante, ce qui n'a jamais été observé en Afrique Centrale. 

Crocodile de la même espèce que celle retrouvée dans les grottes au Gabon (Osteolaemus tetraspis) @ Henk Wallays, Fotopedia

Dans la première grotte, l'équipe découvre une petite femelle et ses quatre petits, dans les trois autres des crocodiles adultes, pris au piège dans leur cavité dont le seul accès est un aven profond d'environ 7 mètres. Un individu mâle de 1,70 mètre a même pu être attrapé et lavé, ce qui a révélée sa peau ventrale orangée. Des études vont être réalisées pour déterminer si cette coloration particulière est due à une dégénérescence liée à une longue période sans lumière, ou à un régime alimentaire particulier. De plus, des prélèvements sanguins ont été effectués pour une étude génétique de ces crocodiles troglophiles très rares. 

Une nouvelle expédition est prévue cet été pour mieux étudier ces crocodiles, et savoir depuis combien de temps ils vivent dans ces grottes, comment ils y sont arrivés et de quoi ils nourrissent. On sait par rapport à ce dernier point que ces grottes hébergent plusieurs colonies de chauves-souris (plus de 100 000 individus). Ces populations de chiroptères vont d'ailleurs également être étudiées pendant cette expédition, car elles ont été identifiées par les chercheurs comme étant le principal réservoir du virus Ebola au Gabon. 

10/04/2011

Trois nouvelles espèces d'éponges carnivores


On a découvert il y a une quinzaine d'années, au Centre océanologique de Marseille,  un régime alimentaire carnivore chez des éponges abyssales. Depuis, on sous-estime beaucoup la diversité de ces éponges carnivores, notamment dans le Pacifique. Michelle Kelly, du National Institute of Water & Atmospheric Research (Nouvelle-Zélande) et Jean Vacelet, de la Station marine d'Endoume (Marseille), vont publier prochainement un article pour décrire les trois nouvelles espèces d'éponges carnivores découvertes au large de la Nouvelle-Zélande: Abyssocladia carcharias, Asbestopluma anisoplacochela et Asbestopluma desmophora.

Éponge carnivore de Nouvelle-Zélande en cours de description (Abyssocladia sphaerichela) @ Jean Vacelet, CNRS

Au sud-ouest de l'océan Pacifique, les populations d'éponges carnivores s'avèrent en fait d'une diversité remarquable, si bien que la plupart des espèces collectées sont encore inconnues des chercheurs. C'est le cas notamment au large de la Nouvelle-Zélande, où les trois nouvelles espèces ont été trouvées. Ces trois espèces présentent des spicules originaux, voire inconnus pour deux des espèces. Les spicules, petites particules minérales qui constituent le squelette de l'éponge, servent également ici à la capture des crustacés dont se nourrit l'éponge. Cela a notamment donné son nom à l'espèce Abyssocladia carcharias, en hommage au grand requin blanc (Carcharodon carcharias), car ses spicules ressemblent à la mâchoire de ce requin. 

Vue au microscope d'un spicule silicieux d'Abyssocladia carcharias @ Jean Vacelet, CNRS

Une dizaine d'autres espèces découvertes dans la même région sont actuellement en cours de description. La classification et les rapprochements entre les différentes espèces sont difficiles, car les chercheurs se basent sur les spicules qui présentent des formes très variées. Ce problème va être difficile à contourner par une approche moléculaire car la plupart des spécimens, de très petite taille et composés essentiellement d'un squelette minéral, contiennent très peu de tissus organiques mous. 

09/04/2011

Une araignée roulante qui nous inspire


Le Professeur Ingo Rechenberg, chercheur en bionique à l'Université technique de Berlin (TUB), est pionnier dans le domaine des algoritmes évolutionnaires (ou evolutionary computation en anglais) appliqués à la bionique et à l'intelligence artificielle. Depuis plus de 25 ans, il parcourt le Sahara pour étudier les particularités des animaux du désert, capables de s'adapter d'une manière ou d'une autre à ces conditions de vie extrêmement difficiles. 


Araignée découverte au Sahara (genre Cebrennus) @ TU Berlin

Récemment, il a découvert, dans le désert au sud du Maroc, une espèce d'araignée, à priori inconnue jusque-là, qui est capable de se déplacer non seulement en marchant mais aussi en roulant. Pour fuir rapidement, elle plie ses pattes pour former une roue et se met à rouler, en poussant avec ses pattes pour accélérer. Seules deux autres araignées dans le monde ont été observées en train de rouler: l'araignée-loup dans le désert de Floride et l'araignée dorée dans le désert de Namibie. Cependant, elles roulent de manière passive, en utilisant la gravité terrestre et les reliefs du sol. L'araignée du Sahara découverte par Rechenberg, elle, se déplace en roulant de façon active, en contrôlant sa vitesse, qui peut d'ailleurs atteindre 2 mètres par seconde sur un sol plat. Elle peut ainsi échapper à son prédateur, la guêpe Pompilidae, dont la femelle paralyse l'araignée grâce à un venin, puis l'enterre et pond un oeuf dans son corps. A son éclosion, la larve de guêpe va manger l'araignée de l'intérieur. Cette araignée a été identifiée comme appartenant au genre Cebrennus, mais on ne peut pas dire encore avec certitude s'il s'agit d'une nouvelle espèce ou non. 



L'araignée qui roule dans le désert @ noriko75, Dailymotion

La capacité de cette araignée à utiliser deux modes de déplacement (marcher et rouler) est très intéressante pour les chercheurs en bionique, afin de développer de nouveaux véhicules. Sur un sol adapté, Rechenberg explique que se déplacer en roulant économise beaucoup d'énergie par rapport à la marche. Il espère pouvoir s'en inspirer pour développer un véhicule qui pourrait également exploiter ces deux modes de déplacements. Cela pourrait être intéressant notamment pour les véhicules d'exploration que l'on envoie sur Mars. 

08/04/2011

Les abeilles tentent de protéger leur ruche des pesticides


La nature ne subit pas forcément de manière passive les agressions de l'homme contre l'environnement. Le Dr Jeffrey Pettis, entomologiste au Département de l'Agriculture aux Etats-Unis et spécialisé dans l'étude des abeilles, vient de montrer que les abeilles tentent de protéger leur ruche des pesticides. Ce phénomène a été observé pour la première fois en 2009, et depuis il a été constaté à de nombreuses reprises par les scientifiques. Les abeilles condamnent les alvéoles de leur ruche contenant du pollen contaminé afin de les isoler, et d'éviter la dissémination. 

Abeille ramenant du pollen à la ruche @ Muhammad Mahdi Karim, Flickr

En effet, les chercheurs ont démontré que le pollen contenus dans ces alvéoles bouchées contenaient des niveaux de pesticides, ou d'autres substances toxiques utilisés dans l'agriculture, bien supérieurs à ceux du pollen des autres alvéoles. Les abeilles collectent la propolis des plantes, qui est une sorte de résine aux propriétés antibactériennes et antifongiques, et s'en servent pour encapsuler les alvéoles. Pettis explique que les butineuses ne peuvent pas détecter les pesticides. C'est après le stockage qu'il y a un manque d'activité microbienne en comparaison avec le pollen qui contient moins de pesticides, et que les ouvrières procèdent à l'encapsulage. Récemment, Pettis a expliqué l'importance de cette découverte devant les parlementaires britanniques: "C’est une découverte inédite, et très frappante. Elle implique que les abeilles reconnaissent les pesticides et les isolent. Elles comprennent que quelque chose ne va pas avec le pollen et l’isolent. En temps normal, les abeilles n’enferment pas du pollen."

Abeilles sur les alvéoles de la ruche, certaines sont bouchées @ david.nikonvscannon, Flickr

Malheureusement, ce mécanisme de défense ne peut pas nous enlever la crainte de la disparition des abeilles à cause des pesticides. En effet, la présence d'encapsulation d'alvéoles est fortement reliée à la mort de la ruche. Depuis plusieurs années, la diminution de la population mondiale d’abeilles inquiète les scientifiques et apiculteurs du monde entier. Le problème est complexe car si on ne lutte pas contre les insectes ou les parasites, les abeilles peuvent en mourir; mais si on utilise des pesticides, elles sont confrontées aux effets secondaires de ces produits nocifs. Il faudrait donc trouver le juste équilibre. Cependant, on ne peut pas désigner un seul et unique facteur responsable du déclin des abeilles, même si on sait que les pesticides y ont un rôle important. 

07/04/2011

Des poux et des dinosaures...


Une étude, publiée hier dans Biology Letters of the Royal Society, montre que les poux existaient probablement déjà au temps des dinosaures. En effet, Vincent Smith et ses collègues ont examinés l'ADN de 69 espèces de poux d'oiseaux et de mammifères et ont montré que ces parasites auraient commencé à se diversifier avant la disparition des dinosaures, à la limite Crétacé-Paléogène (NOTE)

Pou de tête (Pediculus humanus var capitis) © CDC, DD. Juranek, INRA

Or les poux ont besoin de leurs hôtes pour survivre. Contrairement à l'idée généralement admise que les mammifères et les oiseaux se seraient diversifiés à la suite de la disparition des dinosaures il y a 65 millions d'années, cette étude semble indiquer que cette diversification aurait commencée avant, pendant le Crétacé. 

Les oiseaux seraient les descendants d'un groupe de dinosaures carnivores bipèdes, appelés Thérapodes, comprennant aussi bien le Tyrannosaure que des Ornithommidés (des sortes d'autruches). Selon les auteurs de cette étude, les oiseaux actuels auraient "hérités" des poux de leurs ancêtres les Thérapodes à plumes. Ils concluent en effet que compte tenu des chronologies de diversification, et de l'origine précoce des plumes, les poux avaient probablement infesté les dinosaures Thérapodes à plumes. 

Comprendre l'évolution des poux, notamment à travers la limite Crétacé-Paléogène, peut donc nous permettre de mieux comprendre la radiation évolutive de leurs hôtes. 



(NOTE)

La limite Crétacé-Paléogène (K-Pg) est la dénomination utilisée actuellement par de nombreux chercheurs de ce qu'on connait mieux sous le nom de limite Crétacé-Tertiaire (K-T). Cette limite correspond à l'extinction massive et à grande échelle d'espèces animales et végétales (dont les dinosaures) qui s'est produite il y a environ 65,5 millions d'années, dans une courte période de temps à l'échelle géologique. La signature géologique de cette limite est caractérisée par une couche mince d'argile présentant un taux anormal d'iridium que l'on retrouve dans diverses régions du monde. 
Le terme Tertiaire est maintenant déconseillé comme unité formelle de temps ou de roche par la Commission internationale sur la stratigraphie, et est couverte désormais pas les périodes Paléogène puis Néogène. 




06/04/2011

Des mammifères venimeux


Quand on parle d'organismes venimeux, on pense souvent aux champignons, ou alors aux serpents et aux grenouilles par exemple. Mais on pense rarement aux mammifères. Il existe pourtant quelques mammifères venimeux, certes peu nombreux. Ils produisent du venin pour tuer ou immobiliser des proies ou bien pour se défendre. 


Les solenodons
Solenodon de Cuba (Solenodon cubanus) & Almiqui paradoxal (Solenodon paradoxus

Solenodon paradoxus


Solenodon cubanus
Ils ressemblent à de très grosses musaraignes. Leur morsure est venimeuse, le venin est excrété par des glandes salivaires via des canaux à l'intérieur de leurs secondes incisives inférieures.






L'ornithorynque
Ornithorynque (Ornithorhynchus anatinus

Ornithorhynchus anatinus


Les mâles possèdent un aiguillon sur leurs pattes arrières pour inoculer le venin. Les échidnés (les autres mammifères ovipares) portent également des aiguillons mais n'ont pas de glande à venin fonctionnelle.





Le crossope aquatique 
Crossope aquatique (Neomys fodiens)

Neomys fodiens


Aussi appelée musaraigne aquatique, il mène une vie semi-aquatique dans les fleuves et les ruisseaux. Sa morsure est venimeuse. 








Les musaraignes
Grande musaraigne à queue courte (Blarina brevicauda) et les musaraignes d'Amérique (Blarina carolinensis) et (Blarina hylophaga)

Blarina brevicauda
@ Gilles Gonthier, Flickr


Ces musaraignes possèdent une morsure venimeuse, en effet, leur salive contient des substances neurotoxiques

La taupe
Taupe d'Europe (Talpa europaea) et probablement d'autres espèces de taupes

Talpa europaea


Elle possède des toxines dans sa salive qui paralyse les vers de terre et lui permet ainsi de constituer des réserves de nourriture.









Le loris
Loris (genre Nycticebus

Loris (genre Nycticebus)

Ces primates nocturnes ont une morsure toxique. Ils lèchent une glande sur leur bras, et la sécrétion de cette glande mélangée à la salive forme la toxine. Cette toxine sert également à protéger les jeunes en leur appliquant sur le pelage pendant le toilettage. 













Les mammifères venimeux étaient peut-être plus nombreux dans le passé. En effet, des canines datant de 60 millions d'années provenant d'espèces semblables à une musaraigne et d'un autre mammifère inconnu présentent des fentes qui pourraient indiquer que la morsure de ces mammifères était venimeuse d'après certains paléontologues. Cependant, de nombreux mammifères actuels (comme des primates, les coatis et les renards-volants) présentent également des fentes profondes sur les canines et ne sont pour autant pas venimeux. Ce trait n'est donc pas forcément la trace d'une adaptation à l'expulsion de venin. 

Mark Dufton (Université de Strathclyde) explique la rareté du venin chez les mammifères par le fait qu'ils n'en auraient simplement pas besoin. Ils seraient suffisemment efficaces pour tuer rapidement avec leurs dents ou leurs griffes, alors que le venin nécessite toujours un certain temps pour immobiliser la proie. 

05/04/2011

D'une fleur aux chaussures...


Pour continuer dans la série liée au biomimétisme, on va s'intéresser aujourd'hui à l'histoire de Georges de Mestral et de son chien. A chaque fois que cet ingénieur suisse promenait son chien, l'animal filait dans les broussailles. Il fallait ensuite beaucoup de patience pour retirer une à une les fleurs de bardane qui s'était solidement accrochées au pelage du chien et à son propre pantalon. 

Fleur de bardane
@ capitphil, Flickr

En 1948, il va examiner au microscope une de ces fleurs: il découvre alors de minuscules crochets recourbés qui s'accrochent aux vêtements et aux poils. Ces crochets sont si souples qu'ils se déforment lorsqu'on exerce une traction, puis reprennent leur forme d'origine et peuvent se raccrocher à nouveau. Georges de Mestral comprend très vite qu'il peut s'inspirer de cette fleur pour faire adhérer deux matériaux simplement et de façon réversible. Il lui fallut 8 ans pour mettre au point cette invention composée de deux rubans, l'un recouvert de velours, l'autre de crochets. 

Velcro, à gauche : crochets; à droite: velours
@ Alberto Salguero, Wikipedia

Il baptise son invention "Velcro" (acronyme de VELours et CROchets) et dépose un brevet en 1951. Ce système de bandes auto-agrippantes connait maintenant de nombreuses applications pour les vêtements et les chaussures notamment, et le mot velcro est devenu un terme générique pour tous les types de bande auto-agrippante (on parle aussi de "scratch", par référence au bruit produit lors de la séparation des deux éléments).   

04/04/2011

Des arbres totalement recouverts de toiles d'araignées au Pakistan


Etrange vision que celle de ces arbres enveloppés d'un voile grisâtre pour les habitants de la province de Sindh, dans le nord-est du Pakistan. 

@ DFID, Flickr, CC by 2.0
Suite aux inondations de l'été 2010, des millions d'araignées sont montées tisser leurs toiles dans les arbres, seuls refuges dans ces étendues détrempées.  En effet, près d'un cinquième du territoire pakistanais a été recouvert par les eaux. Pour y échapper, les araignées se sont réfugiées dans les arbres, et l'eau ne se retirant que très lentement, elles ont pu tisser leurs toiles jusqu'à les recouvrir entièrement. Maintenant, les arbres sont tellement emprisonnés dans ces toiles, qu'elles les étouffent progressivement et empêchent le développement de la végétation. 

@ Zf4, Flickr
Cependant, ce phénomène insolite a également un effet bénéfique. En effet, la population a constaté que cette invasion était corrélée avec un très faible nombre de moustiques, surtout quand on le rapporte au grand nombre de points d'eau stagnante formés qui devrait au contraire favoriser leur prolifération. Les toiles d'araignées géantes semblent donc capables de capturer une grande quantité de moustiques, et limitent ainsi la diffusion du paludisme, maladie transmise via ces insectes. De quoi apprécier la présence de ces millions d'araignées!

03/04/2011

Marie Curie


Marie Curie est née Maria Sklodowska le 7 novembre 1867 à Varsovie dans une famille d'enseignants. A l'époque, la Pologne démembrée est soumise à une politique de russification et de répression intense. A 11 ans, Maria perd sa mère de la tuberculose, deux ans après qu'une de ses soeurs ne soit morte du typhus. Elle va alors se plonger dans la lecture et les études. Elle obtient ainsi son diplôme de fin d'études secondaires avec la médaille d'or. Mais les universités n'acceptent pas les femmes à cette époque. Maria rejoint alors la doctrine positiviste d'Auguste Comte, et participe à "l'Université volante" qui souhaite éduquer clandestinement les masses.

Marie Curie

En 1891, elle part pour Paris où elle suit des cours en sciences physiques et en mathématiques à la faculté des sciences. Elle suit les cours des mathématiciens Paul Painlevé, Paul Appell et des physiciens Léon Brillouin et Gabriel Lippmann. En 1893 elle obtient sa licence en sciences physiques en étant première de sa promotion, et en 1894 sa licence en mathématiques en étant seconde. Elle rejoint ensuite le Laboratoire des recherches physiques de Gabriel Lippmann.


Pierre Curie
En 1894, elle rencontre Pierre Curie et l'épouse à Sceaux le 26 juillet 1895. Ils auront deux filles: Irène le 12 septembre 1897, qui deviendra chimiste et physicienne et obtiendra le prix Nobel de chimie en 1935 pour la découverte de la radioactivité artificielle avec son époux Frédéric Joliot; et Ève le 6 décembre 1904, pianiste, femme de lettres et diplomate. 

Irène Joliot-Curie & Frédéric Joliot @GFHund

Ève Curie


En 1897, elle entre à l'École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris et commence des travaux de thèse sur l'étude des rayonnements produits par l'uranium, découverts par Henri Becquerel. En utilisant les techniques mises au point par son mari, elle analyse les rayonnements d’un minerai riche en uranium, la pechblende. Son mari vient la rejoindre dans ce laboratoire de fortune et ils découvrent ensemble deux nouveaux éléments en 1898: le polonium et le radium. 

Le 10 décembre 1903, Marie Curie reçoit avec son mari et Henri Becquerel, le prix Nobel de physique "en reconnaissance de leurs services rendus, par leur recherche commune sur le phénomène des radiations découvert par le professeur Henri Becquerel". Elle est la première femme à recevoir un prix Nobel. Le 10 décembre 1911, elle reçevra son second Prix Nobel "en reconnaissance des services pour l’avancement de la chimie par la découverte de nouveaux éléments : le radium et le polonium, par l’étude de leur nature et de leurs composés".

En 1906, Pierre Curie meurt accidentellement. Elle le remplace à son poste de professeur à la Sorbonne et conserve son laboratoire. Elle devient ainsi la première femme à enseigner dans cette université. Fin 1909, Émile Roux, directeur de l’Institut Pasteur, propose la création d’un Institut du Radium, dédié à la recherche médicale contre le cancer et à son traitement par radiothérapie. Lorsque la guerre éclate, Marie est mobilisée ainsi que tout cet institut. Aux côtés d’Antoine Béclère, directeur du service radiologique des armées, elle participe à la conception de 18 unités chirurgicales mobiles surnommées les "Petites Curies" pour prendre des radiographies des malades, et ainsi faciliter les chirurgies. À l’Institut du Radium, elle forme des aide-radiologistes.

Suite à une trop grande exposition aux éléments radioactifs, elle est atteinte d’une leucémie radio-induite et meurt le 4 juillet 1934. 


L'année 2011 a été proclamée Année de Marie Curie. De plus, à l'occasion du 100ème anniversaire de son prix Nobel de chimie, Les Dossiers de La Recherche proposent un numéro dédié à Marie Curie.

02/04/2011

Premiers éléments de preuves sur l'utilisation du feu en Europe


La datation du moment où l'Homme a pu contrôler le feu est très controversée. L'utilisation régulière du feu par les premiers hominidés en Afrique daterait d'il y a environ 1,6 millions d'années. La plupart des archéologues sont d'accord pour dire que la colonisation de zones comme l'Europe, où la température était alors sous le 0°C, n'aurait pas pu se faire sans la capacité à utiliser le feu. 

Cependant, l'analyse à grande échelle des données archélogiques (141 sites allant de -1,2 million d'années à -35 000 ans) réalisées dans une étude récente suggère que les premiers hominidés se déplacaient en Europe sans avoir recours à l'utilisation habituelle du feu. Le feu est devenu une partie importante du répertoire technologique des hominidés qu'il y a environ 300 000 à 400 000 ans. Il n'y a donc pas de preuve de la maîtrise du feu pour les 700 millénaires d'occupation de l'Europe qui ont précédés, même si on ne peut exclure que les hominidés aient pu se servir du feu à l'occasion de certains événements naturels (foudre, combustion spontanée, volcanisme). Ces résultats concordent assez bien avec ce que l'on sait de l'apparition du feu en Asie et en Afrique, à l'exception d'un site en Israël, qui semble recéler des traces d'usage du feu remontant à 780 000 ans. Le feu ne devait donc pas être un élément essentiel du comportement des premiers occupants du Nord du Vieux Monde. 

Cette étude montre également que c'est Néandertal qui a intégré le feu dans le répertoire technologique de la lignée humaine, vers la fin du Pléistocène. Les foyers produits servaient alors à se chauffer, à cuire la nourriture, à s'éclairer mais également à produire de nouveaux matériaux servant à coller des pierres taillées sur des manches. 



Produits il y a plus de 200 000 ans et retrouvé sur un site italien, ces éclats de silex sont pris dans une sorte
de goudron leur permettant d'être collés à un manche. Les hommes de Néandertal fabriquaient
ce goudron en chauffant des écorces de bouleau.
©: P. P. A. Mazza / Université de Florence

Une nouvelle preuve que Néandertal, disparu il y a 30 000 ans, était bien éloigné de l'image d'être archaïque qu'on lui a longtemps attribué.


01/04/2011

Un dinosaure vivant surpris au Pantanal


Incroyable : un dinosaure théropode vivant aurait été aperçu au Pantanal, une région humide très peu peuplée au sud de l'Amazonie. Découvrez les premières images, en attendant une publication dans une revue scientifique.


Il faut le voir pour le croire. Un animal ressemblant fortement à un dinosaure bien vivant a été repéré en pleine forêt vierge et semble effectivement étroitement apparenté à ce grand groupe de vertébrés diapsides disparus – croit-on – il y a 65 millions d’années, par l’effet d’un astéroïde (Baptistina de son nom de famille) ou d’un accès de volcanisme du côté du Deccan, ou encore d’une juxtaposition des deux événements.

Si elle venait d’un touriste quelconque, la découverte ferait sourire. Mais l’équipe à l’origine de l'annonce n’est autre que celle dirigée par Alan Grant, du National Museum of Natural History, de la Smithsonian Institution, disciple de Charles Bradford Hudson. La découverte, d’ailleurs, ne doit rien au hasard. L’équipe a exploré l’un des endroits les moins connus du globe alors que la biodiversité y est sans doute la plus élevée : le Pantanal.

Au sud de l'Amazonie, le Pantanal est une vaste plaine éloignée de la mer et abondamment irriguée par les régions environnantes. L'eau s'y écoule très lentement et forme de vastes zones marécageuses ou inondées à la saison des pluies. © Creative Commons

Cette immense plaine d’Amérique du Sud est la plus grande zone humide du monde, avec près de 200.000 kilomètres carrés, c’est-à-dire un peu moins que la surface de la Grande-Bretagne. Située au sud de l’Amazonie, elle se trouve pour l’essentiel au Brésil (états du Mato Grosso et du Mato Grosso do Sul) et pour le reste en Bolivie et au Paraguay. La pente est extrêmement faible et les eaux s’écoulent très lentement vers l’Atlantique.

À la saison des pluies (entre octobre et mars), elles s’étalent en une multitude de marais et de rivières qui inondent complètement de vastes zones de forêts. L’environnement y est très particulier : durant la saison humide, ce sont des poissons qui se promènent entre les troncs d’arbres…

Une balade pas du tout virtuelle au Pantanal au milieu d’une biodiversité exceptionnelle… 
© AdrianJamesPhoto/YouTube


Des observations déjà anciennes

Dans ce milieu si étrange prospèrent une faune et une flore étonnamment variées. Avec ces apports d’eau douce venus d’un peu partout, le Pantanal concentre des espèces animales et surtout végétales issues de régions très différentes. Voilà pourquoi coexistent ici des végétaux des forêts tropicaleset d’autres typiques de la savane. On y croise aussi beaucoup d’espèces encore non répertoriées, d’autant que l’occupation humaine y reste encore réduite, surtout au centre et vers le nord.

Depuis de nombreuses décennies, des observations d’un animal de grande taille, craintif et marchant sur deux pattes ont été rapportées sans que ces affirmations soient prises bien au sérieux par les scientifiques, lacryptozoologie ayant mauvaise presse dans les labos.

Tout change désormais avec cette observation incontestable – et incontestée – qui fera bientôt l’objet d’une publication dans la revue Pnas, mais dont nous présentons ici les principales informations. D’après Alan Grant, l’animal est à coup sûr un archosaure, sans doute un dinosaure, vraisemblablement un saurischien, probablement un théropode et peut-être avéthéropode (ou Avetheropoda). Autrement dit un dinosaure bipède ressemblant au célèbre Velociraptor immortalisé (mais mal représenté) par le film Jurassic Park.

Une image tirée de l'un des films tournés par l'équipe. On remarque nettement une dentition généreuse, qui signale le prédateur carnivore. La taille est difficile à estimer. Le cinéaste était à ce moment couché par terre, ce qui indique que l'animal n'est pas très grand (1,50 m au garrot d'après l'équipe).
© Alan Grant / Futura-Sciences

Une image de Piscisaurus aprilis alors qu'il traverse à grande vitesse un milieu boisé. L'animal appartiendrait à une espèce nouvelle, à inclure dans un groupe que l'on croyait disparu. © Alan Grant/Futura-Sciences

Bien adapté à un environnement changeant

D’après Grant, l’animal mesure environ 1,50 mètre au garrot et marche – ou plutôt court – sur ses deux pattes arrière tandis que ses membres antérieurs semblent très courts. L’animal a été vu à plusieurs reprises mais à chaque fois pendant quelques secondes seulement. Il a cependant été filmé et photographié. Nous présentons ici deux vues rapprochées qui montrent assez bien la forme générale de l’animal. Capable de courir vite, il paraît adapté au milieu forestier (comme on le voit sur les images publiées ici), mais aussi aux milieux ouverts, nombreux au Pantanal. Ce dinosaure est aussi bon nageur et c’est d’ailleurs dans l’eau qu’il a été vu pour la première fois par l’équipe, en avril 2010, à la fin de la saison humide, raison pour laquelle Alan Grant l’a baptisé Piscisaurus aprilis (le reptile d’avril qui nage).

Alan Grant/Futura-Sciences

Cette vie amphibie amène d’ailleurs des questions sur le mode de vie des théropodes disparus, toujours représentés en train de courir sur la terre ferme. Mais ne pouvaient-ils pas nager eux aussi ? « C’est tout à fait possible, commente Michel Mostelle, du Muséum national d’histoire naturelle de Paris, interrogé par Futura-Sciences. Nous ne savons pas grand-chose de leurs modes de vie et leurs pattes arrière puissantes devaient sûrement leur donner la possibilité de nager. »

Cette capacité d’adaptation peut étonner mais explique aussi pourquoi P. aprilis a pu survivre jusqu’à nos jours dans cette région isolée mais bien pourvue en ressources. Il s’agit à n’en pas douter d’un carnivore (voir sa dentition) et la richesse de la faune permet tout à fait à un prédateur de cette taille de vivre en petites populations, comme en témoigne la présence de jaguars, de pumas et de renards.

Même si ce n’est pas la première fois que l’on observe des dinosaures vivants, cette découverte bouleverse notre connaissance des théropodes et de leur évolution. Elle nous incite aussi à mieux préserver cette région si particulière du Pantanal. L’équipe repartira dans cette région l’hiver (boréal) prochain pour mieux observer P. aprilis en milieu aquatique pendant la saison des pluies. Rendez-vous, donc, en avril prochain, pour la suite de ce feuilleton.


Auteur : Jean-Luc Goudet, Futura-Sciences